Béthune les Bains

         Non, Béthune n'a jamais été et ne sera jamais une ville thermale ! Mais il n'y a pas si longtemps que cela on trouvait dans  notre commune, quatre  piscines et deux établissements publics de bains-douches (à quelques années près ces piscines auraient pu être au nombre de cinq). En classant récemment ma collection de ''Guetteur de Béthune'' je suis tombé dans le numéro 14 sur l'article ''Histoire d'eau'' de Annie Morel. En relisant cet article quelques souvenirs me sont revenus des bons moments que j'ai passés dans deux de ces piscines durant mes années d'écolier, puis de lycéen, et l'envie m'est venue d'apporter quelques compléments à cette ''Histoire d'eau", d'autant plus forte que tous  ces ''établissements''  ont  maintenant disparu et que peut-être ainsi il en resterait une trace… avant qu’ils ne disparaissent également des mémoires.

La piscine du collège G. Sand 
            Cet établissement scolaire fut d'abord un ''Collège de Jeunes Filles'', puis un ''Lycée de Jeunes Filles'' et il est maintenant un collège mixte ; c'est ce dernier qui a eu en ses murs une piscine. Cette piscine est un peu l’Arlésienne. Elle a servi très peu car on s’est vite rendu compte que l’ Education Nationale n’avait pas les moyens de payer le coût élevé d’une piscine couverte et chauffée. La brièveté de son utilisation entraîne un certain flou dans les renseignements que j’ai pu obtenir sur ce sujet. Elle a vraisemblablement été construite lors des travaux qui permirent de remplacer les ''préfabriqués'' installés dans la cour, pour pallier le manque de locaux  par des constructions en dur, donc tout à  la fin des années 60 (la grue se dressait là en mai 1968). La piscine était située dans un bâtiment qui existe encore et comprenait également des dortoirs et  un réfectoire. Après la cessation de son utilisation,  la salle où elle se trouvait a  servi d’entrepôt pour le musée, puis le bassin fut comblé et ce local devint une salle de réceptions ou autres manifestations. 

La piscine Hautecoeur 
            Si vous empruntez l'Avenue de Lens vous verrez sur votre gauche en allant vers la gare, une maison après le croisement avec la Rue Outrebon, à l'enseigne "sécurité-Sûreté-Services", c'est derrière ces murs que se trouvait jusqu'aux  années 50 l’œuvre d'un personnage hors du commun, Joseph Hautecoeur. Les gens de ma génération l'ont surtout connu comme ''professeur de gymnastique'' des écoles primaires. A ce titre c'était lui qui préparait, organisait et animait l'annuelle ''Fête des Ecoles''. Il avait été, très jeune, l'un des gymnastes vedettes de l'association béthunoise  ''En Avant'' et il agrémentait toujours cette fête des écoles d'une démonstration à la barre fixe, aux barres parallèles ou sur un autre agrès.
            Après une formation de menuisier il se retrouve militaire durant la première guerre mondiale. En 1915, il a alors 18 ans, il est grièvement blessé, sa mâchoire est fracassée par un éclat d'obus, il fait désormais partie des ''gueules cassées''. Une fois libéré il décide de consacrer sa vie au sport, non pas pour son propre plaisir mais pour créer dans sa ville ''une école de santé'' pour la jeunesse. Il monte donc à Paris, suit des cours de physiologie, d'anatomie, de massage, passe son diplôme de professeur d' Education Physique, de masseur, de maître-nageur et rentre à Béthune. Ne trouvant pas d'immeuble correspondant à ce qu'il cherche il va le construire de ses propres mains, le soir, après sa journée de travail comme menuisier - car il faut bien payer les matériaux. Cela lui prendra six ans, mais au final le résultat est magnifique : une salle d'accueil, des vestiaires pour hommes au rez-de-chaussée et pour femmes à l'étage. Une salle de ''logistique'' avec balance, toise, spiromètre, tableaux anatomiques et autres ... Au premier étage une installation d'hydrothérapie, de sudation, de massage. Au rez-de-chaussée  une salle de culture physique de 20 m x 13 m, éclairée par une verrière. Et tout au fond se trouve le bijou : une piscine de 10 m x 6 m, toute carrelée de faïences bleues, dont l'eau, changée deux fois par semaine est maintenue à une température oscillant entre 22° et 26°. Joseph Hautecoeur ne se prive pas de temps en temps de faire des démonstrations de ses talents de nageur en plongeant du premier étage : il faut dire que durant son séjour à Paris il avait travaillé à l'Olympia et au Cirque Lambert.
            Cette salle et sa piscine étaient très fréquentées, par la bourgeoisie béthunoise mais aussi   par des jeunes du quartier, de la cité des cheminots, du faubourg d'Arras, on y rencontrait également des nageurs ''de compétition'' qui trouvaient là un des rares lieux d'entraînement possibles  l'hiver. Beaucoup de Béthunois y ont appris à nager (certains sont d'ailleurs ensuite devenus maîtres-nageurs eux-mêmes). Maria, la compagne de Joseph Hautecoeur, qui ne savait pas nager, mais ''connaissait bien la théorie", donnait les leçons de natation car Joseph était occupé à d’autres tâches. Elle a marqué les mémoires de beaucoup des apprentis nageurs en les incitant à écarter les orteils dans leurs mouvements :  le français n'était pas sa langue maternelle et elle confondait peut-être les orteils et les jambes.
                       Devenu employé à plein temps par la municipalité comme moniteur de sports des écoles primaires et comme il ne trouvait personne pour reprendre son établissement Joseph Hauttecoeur a  peu à peu cessé de l'exploiter, sans doute à la fin des années cinquante. Pendant quelques années encore on put l'apercevoir dans les rues de Béthune ou des environs, qu'il parcourait à moto – en se livrant parfois à des acrobaties pour amuser les badauds - ou au volant de sa Bugati de course (avec bonnet de cuir et lunettes ''à la Fangio''), à moins que ce ne fût aux commandes de sa  moto-triporteur où il lui arrivait souvent de transporter trois ou quatre gamins enchantés, dont j'ai eu la chance une fois de faire partie. Il est décédé à plus de 80 ans, laissant un souvenir indélébile dans la mémoire de ceux qui l'ont connu*. 

La piscine du collège Saint-Vaast


        Dans la nuit du 26 au 27 février 1936  une grande  partie du Collège Saint Vaast, notamment l'aile  située rue Faidherbe, est ravagée par un incendie qui, heureusement, ne fera aucune victime. Cette aile sera reconstruite très rapidement et la rentrée aura lieu normalement le 1er octobre suivant. Dans la foulée de la reconstruction on ajoute  en 1937 une piscine dont on en aperçoit encore les infrastructures situées perpendiculairement à l’axe de la rue Ponnelle. A l'origine c'est un bassin de plein air, en 1956 il sera couvert,  doté de douches et d'un chauffage à air pulsé. Le bassin fait 60 cm dans sa plus petite profondeur et 1,80 (ou 2m ?) dans sa plus grande. Il est carrelé et  mesure 25 m x 8 m . En raison de la profondeur du bassin la solution d’un tremplin est préférée au plongeoir comme on peut le voir sur la photo. Tout comme les autres piscines béthunoises de l'époque il ne comporte pas de pédiluve, et compte 2 couloirs de 7 ou 8 cabines où l'intimité est protégée par un simple rideau.     
           La piscine ne possédait pas d'installation de filtrage de l'eau : il y avait à côté du bassin un petit local où étaient entreposés les produits désinfectants. Après chaque journée d'utilisation les professeurs d'EPS versaient à l'aide d'une dose la quantité nécessaire pour désinfecter l'eau. C'était bien sûr une tâche importante mais peu agréable et redoutée par ceux qui en étaient souvent chargés car ces produits n'étaient pas inoffensifs.    
           Les séances de natation pour les élèves avaient lieu un jour par semaine, d'abord le jeudi, qui était autrefois la journée de congé hebdomadaire (c'était l'époque, ne l'oublions pas, où tous les cancres rêvaient de la "semaine des quatre jeudis") et plus tard le mercredi. Ces séances étaient encadrées par un maître-nageur : et qui retrouvons nous en tête de la liste de ceux qui assumèrent cette fonction ? Joseph Hautecoeur que  les élèves  avaient affectueusement gratifié du surnom de  " pépère".  Durant les dernières années de l' utilisation de la piscine les professeurs d'EPS ont pu inclure dans leur programme annuel un cycle natation par classe et par année. Profitant de cet atout le Collège Saint Vaast a formé des équipes de nageurs qui ont pris part aux compétitions organisées par l'UGSEL et en 1975 les poussins-filles furent championnes de France dans leur catégorie tandis que leurs homologues garçons finissaient vice-champions.
           Belle revanche des filles : car si la mixité existait déjà dans les salles de cours depuis 1969-70, ce n'était pas le cas à la piscine. Il fallut l'intervention de l'une d'entre elles pour que cela change. Après qu'elle eut réclamé le "droit de baignade pour tous" auprès de la direction, on lui imposa de ne pas être la seule fille au milieu des garçons (elle trouva rapidement une volontaire). Ensuite elles durent prouver qu'elles voulaient vraiment aller à la piscine pour nager et non pour aguicher les garçons, autrement dit elles durent montrer leurs talents dans l'eau et sous l'eau, le tout bien sûr en maillot une-pièce et non en bikini. Toutes deux nageuses confirmées elles vinrent à bout de cette épreuve sans problème et c'est ainsi que les filles purent désormais profiter elles aussi de ce formidable outil.
            Sans doute elle aussi victime de nouvelles contraintes imposées par la législation, des coûts exigés pour une modernisation et de ceux engendrés par l'utilisation (eau, produits, chauffage etc.) la piscine fut utilisée pour la dernière fois durant l'année scolaire 1982-83. Elle fut comblée et transformée en préau où l’on a installé des casiers pour les élèves . 


La piscine des cheminots. 
            Située à deux pas de l'entrée de la caserne des CRS, elle faisait partie d'un vaste ensemble de loisirs qui venait compléter la ''Cité des Cheminots''  achevée en septembre 1920 et financée par la Compagnie des Chemins de Fer du Nord. Cet ensemble comprenait une salle des fêtes et juste à côté de celle-ci des bains-douches. Devant ces deux bâtiments s'étendait un terrain de football sur lequel les manèges venaient s'installer une fois par an, lors de la ''Ducasse des Cheminots,'' et de l'autre côté du terrain de football se trouvait une petite merveille : la "Piscine des Cheminots". dont l'entrée se faisait par la rue H. Barbusse.
            La piscine fut inaugurée le 8 octobre 1933. On peut se demander, lorsqu'on connaît le climat de notre région, qui s’est dévoué pour plonger dedans lors  cette inauguration. Elle comportait deux bassins de 20 m x 8 m, séparés l'un de l'autre par un petit édifice couvert qui obligeait à se mouiller sous une douche et à se rincer les pieds dans le pédiluve, car c'était le seul accès aux bassins. Les baigneurs remettaient leur ticket à un guichet situé à l'arrière de ce bâtiment d’accueil contre un panier métallique numéroté dans lequel ils déposaient leurs vêtements, lesquels étaient ensuite stockés dans ce même local.

Légende :
1 – Grand bassin    2 – Petit bassin    3 – Pédiluves     4 –  Accueil et distribution   des paniers  
5 – Cabines    6 – Espace deux-roues     7 – Tremplin    8 – Terrain de football (actuellement cour de l'école)    9 – Bâtiments de l'école Buisson actuelle

            Les cheminots et les membres de leur famille bénéficiaient d'un prix d'entrée très avantageux par rapport aux ''étrangers'' (c'est le terme qui était écrit sur mon billet, bien que, venant de la Cité du 8/ter, je fusse un bien proche voisin ). Le tour des bassins était un pavage de briques rouges, les bassins étaient carrelés. Le grand bassin avait un plongeoir à 3 niveaux (hauteur max. 3 m.) qui fut au milieu des années cinquante remplacé par un tremplin. Aucun des bassins ne comportait de système de filtrage de l'eau : on les remplissait, on y mettait les produits chimiques nécessaires et l'eau était changée quand sa couleur montrait que cela devenait utile. En fait elle était très transparente et le restait longtemps. Par précaution on y ajoutait parfois un supplément de produits. Mais lorsque survenait un orage elle perdait sa transparence et devenait verte. L'établissement était alors fermé, on vidait les bassins, on les nettoyait et on les remplissait de nouveau. Dès que la température de l'eau atteignait 15°, la piscine rouvrait. On y allait quand même pour se rafraîchir en cas de forte chaleur, mais je me souviens que dans ces cas là notre séance consistait uniquement à plonger en visant l'échelle de remontée pour ne pas traîner dans cette eau glacée.  Un peu avant la fin de son exploitation elle fut dotée d'un système de filtrage quelque peu rudimentaire et qui n'empêcha malheureusement pas  tous les inconvénients évoqués ci-dessus.
            Cette piscine était fréquentée par des habitués dont la plupart finissaient par se connaître. Les jours de canicule les baigneurs étaient tellement nombreux qu'il était parfois difficile de nager dans ce bassin de 20 m., c'est comme cela que peu à peu, avec d'autres camarades qui aimaient comme moi ''faire des longueurs'', nous avons commencé à fréquenter l'école de natation municipale où il y avait plus de place.
            Comme elle ne correspondait plus aux normes d'hygiène modernes, et ses infrastructures étant trop vétustes pour être rénovées, la piscine des cheminots fut  démolie en 1979 et remplacée... par un parking.
            De cet ensemble seule la salle des fêtes, qui a été rachetée par la municipalité est encore utilisée. Les bains-douches ont été rasés eux aussi et sur l'emplacement du terrain de football se dresse maintenant l'école Ferdinand Buisson. 

La piscine municipale (Ecole de Natation) 
Le plan ci-dessous représente la piscine telle qu'elle était à la fin de son exploitation
Légende :
en pointillés : parties de la piscine qui ont été supprimées.
1 :   entrée                              2 : bains-douches            3 :   maison-café du gérant
4 :   gradins-solarium              5 : petit-bain                           6 :   grand-bain
7 :   plongeoir                         8 : câble                                  9 :   arrivée d'eau
10 : cabines de change (avec panier)                              11 : cabines (sans panier)
12 : douches (sous l'avancée)
13 : distribution des paniers (ancien emplacement du vestiaire collectif)
14 : pédiluve                           15 : espace deux-roues           16 : sièges
18 : bassin de water-polo       19 : maison encore existante  20 : pelouse
21  : passerelle        
             Des fossés épousant la forme en étoile des remparts de Béthune (comme on peut le voir encore sur le plan de 1892 ci dessous ) avaient été creusés, qui empruntaient leur eau aux bras des rivières  traversant les terrains marécageux appelés les Houches. En cas d'attaque il était ainsi facile d'inonder les abords de la ville et d'en empêcher l'accès à l'ennemi. Cette inondation volontaire fut mise en œuvre pour la dernière fois en 1710. Dans ''La Revue Artésienne'' du 24 avril 1874 un article signé courageusement X.  suggère de ''louer un terrain sur la rive gauche de la Brette  …/... pour y construire un enclos peu coûteux renfermant une nappe d'eau .../... Cette eau si salutaire de la rivière d'Annezin, après avoir servi aux baigneurs, aurait un facile écoulement dans les fossés d'alentour''. Autrement dit on rêvait d'un étang pour rafraîchir les Béthunois lors des canicules. 
            Cette idée va murir dans la tête des édiles et le 18 janvier 1878 ils prennent la décision de construire une Ecole de Natation. Ils ne vont pas agir à la légère et se rendront à Arras pour y visiter l'école de natation locale. Le système  arrageois, peu pratique avec ses parois en bois et son fond de graviers, nécessite de gros entretiens, voire des réparations, annuels et ne sera pas retenu. En mai 1878 le devis proposé est adopté par le conseil municipal. Les travaux commencent début 1879 et vont bon train. La ''Revue Artésienne'' du 30 mai 1879 signale que les travaux sont presque terminés, et l'ouverture pourra se faire dès le début de l'été. Malheureusement l'été cette année là se fera attendre et la fréquentation sera quasi nulle, comme l'explique dans la Revue Artésienne ''un vieux Béthunois'' (sic), qui   par contre nous décrit sa surprise en constatant lors de son premier bain aux premiers beaux jours le 4 juillet, ''la grandeur des bassins, l'aménagement intérieur de l'établissement et la fonctionnalité des cabines, au nombre de 40,  larges d'un mètre, un peu plus profondes  et comportant un banc en bois, deux patères et un petit miroir'' .
On peut voir sur le plan de 1892 que la piscine (16) se trouvait  en fait entre deux bras de rivière ; lorsqu’on avait rasé les fortifications après la guerre de 1870 on avait conservé les cours d’eau qui se trouvait à leur pied et qu’on appelait “courant” ou ”rivière”. D’ailleurs avant la rénovation de l’ Ecole de Natation lors de la construction des bains-douches, on y accédait par un pont, tout comme c'était le cas pour la maison qui se trouve encore au coin du croisement boulevard Jean Moulin-boulevard Voltaire. C'est sans doute aussi lors de ces travaux qu'on a enterré la rivière qui passait devant l'entrée de la piscine, allait jusqu'au carrefour avec le boulevard Voltaire, franchissait ce carrefour, enterrée, en diagonale et ressortait là où il y a maintenant un passage qui mène au parking de la Résidence Thiers.
            Dans le devis initial la piscine se compose de deux bassins, tous deux longs de 60 m. Le bassin nord (côté centre ville), le ''petit bain',' est ouvert tous les jours et gratuitement au public. Le grand bain  fait la même longueur,  il comporte un bassin de 60 m x 25 m (superficie environ 1400 m2  et d'un rajout de 276 m2. Il aura 2,50 dans sa plus grande profondeur.  L'eau circule  entre les bassins qui ne sont  séparés que par une palissade en bois sur laquelle est fixée une passerelle permettant aux maîtres nageurs de se déplacer durant leur surveillance. Les parois de la piscine sont  en briques et le fond en terre, qui fut engazonnée lors de la construction, mais qui devint très vite de la boue. Sur la photo ci-dessous, prise au début du vingtième siècle on aperçoit au milieu de la passerelle une espèce de perchoir qui offrait sans doute aux surveillants une situation dominante plus efficace. (Ce perchoir avait disparu lorsque ma génération fréquentait l'Ecole de natation). 
Seul l'accès au grand bassin est payant. Le samedi de 7 h à 21 h et le dimanche de 12  à 16  heures l'accès aux deux bassins est gratuit. ''L'eau pourra être très facilement renouvelée : une écluse donnant sur les Houches lui permettra de s'échapper de ce côté. Une autre écluse, située au sud du grand bain, laissera passer l'eau de la Blanche qui remplira en peu de temps les deux bassins (extrait du projet en cours de réalisation   dans la Revue Artésienne du 14 mars 1879).'' Dans le même article on note deux  passages qui sembleraient  cocasses de nos jours:
1.''Comme il eût été trop onéreux  de creuser un troisième bassin pour les dames seules, on a décidé que l'Ecole de Natation serait mise à leur disposition deux jours par semaine.''
2.''Le lavage du linge est interdit dans les bassins de l'école de natation''    

La piscine est ouverte :
·Du 1er juin au 1er septembre (l'auteur a sans doute voulu dire au 31 août ) de 5 h du matin à 9 h du soir (comme on disait alors).
·Du 1er septembre au 15 octobre de 5 h du matin à 8 h du soir .
     Ces dates et ces horaires laissent rêveurs : pas de doute, nos anciens étaient moins frileux que nous.
       Le dernier article du règlement rappelle ''qu'il est absolument interdit de se baigner dans les rivières et canaux du territoire de Béthune'' (ce qui serait on s'en doute une concurrence déloyale).

Comment cette construction de 1879 a-t-elle évolué au cours des années et jusqu'à sa disparition ?
Le projet a été modifié plusieurs fois. Les deux extrémités qui avaient la forme d'un arc de cercle ont été réduites pour revenir à 50 m. et prendre une forme rectangulaire . Les parois en briques sont désormais en béton. La palissade et la passerelle en bois qui séparent les deux bassins ont été remplacées par des constructions en dur. Le petit bain fait  50 m de long sur 12,5 m de large. Le grand bassin fait également 50 m  mais il comporte   encore un rajout, où il atteint sa largeur maximale de 33 m (voir le plan) situé devant les gradins du solarium. La forme de ce rajout, dont la paroi face aux gradins n'est pas à angle droit, sera modifiée afin qu'il forme lui aussi un rectangle, ce qui est obligatoire pour les matchs de water-polo qui ont lieu là. C'est là également que les maîtres nageurs dispensent leurs cours à l'aide d'un dispositif comportant un câble tendu au dessus de l'eau sur lequel coulisse une poulie , l'apprenti-nageur  est suspendu à cet ensemble par une ceinture et un autre câble que le maître-nageur tient dans la main pour le faire avancer.
  En son milieu le grand bassin atteignait une profondeur de 3 ou 4 m au pied du plongeoir à trois niveaux, dont le plus élevé était  de 6 m. (et je peux vous assurer pour avoir un jour d'inconscience tenté le grand saut, que lorsqu'on était là haut tout au bout de cette planche qui réagissait  au moindre mouvement, la surface de l'eau vous paraissait  bien loin).
            Les premières cabines étaient en bois, dans les dernières années de leur utilisation elles étaient en très mauvais état, la rangée qui se trouvait le long de la rivière menaçait de tomber dedans. Une photo de 1953 représentant la façade arrière des bains-douches pendant leur construction montre que toute la partie de terrain qui s'étendait devant cette façade venait d'être arasée. Je suppose que les anciennes cabines ont été remplacées par des nouvelles à cette époque là (les bains douches ont été inaugurés en décembre 1953). L' Ecole de Natation n'utilisait pas le système des paniers pour entreposer les vêtements, ils restaient dans les cabines dont on devait retenir le numéro. En cas d'affluence nous partagions la cabine avec d'autres personnes, il fallait donc en arrivant chercher une connaissance et lui demander de venir nous accompagner jusqu'au placeur qui attribuait les cabines afin de lui  donner l'autorisation de partage. Ou alors, au prix de diverses contorsions avec la serviette pour protéger sa pudeur, on se changeait sur la pelouse. Car il y avait de la pelouse, des arbres et de l'espace: en fait cette piscine était un havre de verdure et d'eau en plein centre-ville comme on peut le voir plus loin sur la vue aérienne. Et comme la natation creuse l'appétit il n'était pas rare de voir des baigneurs casser la croûte sur l'herbe, sur un banc ou sur le solarium :  le gérant y trouvait son profit en vendant des frites  et des sandwichs. 
            Dans les années soixante le système de rangement des vêtements fut changé : au fond de la piscine, le vestiaire collectif pour les scolaires et centres aérés fut remplacé par un abri où on installa une distribution de paniers. Les deux dernières rangées de cabines servaient à se déshabiller pour les clients qui préféraient la solution avec panier, moins chère. Mais les deux premières séries
 de cabines étaient encore utilisées comme auparavant, souvent par des familles qui groupaient ainsi leurs affaires personnelles. Ce qui était nouveau également c'est que des clôtures obligeaient désormais tout le monde à emprunter le même chemin pour gagner les bassins : on passait devant l'enfilade des cabines qui avaient été prolongées par des espèces d'auvent sous lesquels on avait installé des douches, puis on passait devant le ''comptoir aux paniers'' - qu'on en eût utilisé un  ou pas – et ensuite on traversait un pédiluve, la grande nouveauté, qui était situé juste devant l'escalier du petit bain, lequel faisait quand même 1,5 m. à cet endroit.
Est-ce aussi à cette époque que les bassins ne furent plus remplis avec l'eau de la rivière ? Toujours est-il que lorsque j'ai commencé à fréquenter la piscine municipale, l'eau était prise sur le réseau de distribution et arrivait par un tuyau situé en face de l'entrée. Il y avait de grosses pertes d'eau par évaporation, par perméabilité du fond et des parois. De l'eau arrivait donc quasiment en permanence pour compenser ces pertes : nous évitions d'aller plonger à cet endroit car  l'eau  y était beaucoup plus froide.
D’ailleurs quand les nuits étaient trop froides, a la fin août souvent, et qu'elles refroidissaient l'eau, on alla même jusqu'à la réchauffer avec de l'eau des bains-douches voisins afin qu'elle ne tombât pas en dessous de la température fatidique de 17° qui entraînait la fermeture obligatoire.
            Dans le grand bain flottaient deux ''accessoires'' qui permettaient de varier les jeux : un mât en bois long de plusieurs mètres auquel on s'accrochait pour battre des pieds ou simplement faire une pause, bavarder. Mais il y avait aussi un radeau en bois,  d'environ 2 m x 2 m et d' au moins 30 cm d'épaisseur. Nous nous amusions à passer sous ce radeau, ou alors nous montions à plusieurs dessus, jusqu'à ce que notre poids le fît couler ou pencher d'un côté en nous précipitant tous à l'eau. Celui qui tombait en dernier avait gagné, le fin du fin consistait si possible à couler au garde-à-vous militaire, comme le commandant qui coule avec son navire. Un radeau figurait déjà sur une photo prise au début du vingtième siècle, que j'ai trouvée dans le fascicule  de la collection ''Mémoire en Images'' de Gérard Leclerc, était-ce le même ? Ce n’est pas impossible car Jacques Morel, ex-maître-nageur de cet établissement, me signale  que ce radeau était déjà là avant la guerre 39-45. 
            Quand on pense que cette eau, bien que renouvelée en permanence, devenait de moins en moins transparente au fur et à mesure que la saison avançait, et qu'un baigneur nageant à 50 cm sous la surface était alors totalement invisible,  on se demande comment réagiraient les instances modernes obsédées - à juste titre peut-être - par les mesures de sécurité. Les archives de presse que j'ai pu consulter relatent plusieurs incidents  (Revue Artésienne du 1er août 1979 :''Encore un incident à la piscine …'') mais je n'ai trouvé aucun cas de noyade. Les articles se terminaient à chaque fois par une demande de médaille pour le sauveteur, qu'il fût un baigneur, un maître-nageur ou …  le gérant de la piscine lui même (RA du 4 juillet 1879). Un jour de canicule dans les années soixante l' Ecole de Natation enregistra entre 1500 et 2000 entrées : cet après-midi là les maîtres-nageurs plongèrent 5 fois pour remonter des baigneurs en train de se noyer. Une autre fois, à la même époque, éclata un orage si violent que tous les baigneurs furent obligés de remonter et de quitter la piscine. Inspectant les lieux une fois l'orage terminé le personnel découvrit dans un panier  une tenue d'enfant complète : les 3 maîtres-nageurs (J. Morel, S. Fueyo et J. Bécourt) assistés de quelques volontaires fouillèrent en tâtonnant du pied dans tout le petit bassin, puis plongèrent  dans l’eau trouble du  grand bassin dont ils se mirent à inspecter le fond systématiquement à la recherche d'un éventuel noyé. Quand,  bredouilles mais terriblement inquiets,  ils étaient sur le point d'abandonner leurs recherches, une personne arriva et se mit à les invectiver parce qu'ils avaient laissé repartir son fils en maillot de bain.

Le gérant de la piscine tenait traditionnellement la buvette, elle était prolongée par un abri sous lequel à la fin des années cinquante et jusqu'à la fermeture on trouvait un juke-box et un baby-foot, très sollicité lorsque le ciel était gris. Mais lorsque le soleil était généreux nous nous dorions sur les gradins en  regardant juste devant nous les malheureux qui effectuaient des allers et retours sous le câble auquel ils étaient suspendus pour apprendre la brasse ou, s'ils étaient un peu plus avancés dans leur apprentissage, essayaient, le cou tendu pour maintenir la tête hors de l'eau et ne pas boire la tasse, d'attraper la perche qui fuyait devant eux, tenue par les maîtres-nageurs, lesquels étaient obligés de se casser la voix pour couvrir Georges Moustaki et sa ''gueule de métèque'' que le juke-box passait quasiment en boucle et à fond. 
        Lorsque l'eau du canal – qui, rappelons le, était interdit à la baignade – est devenue trop polluée on a renoncé à y organiser les traditionnelles joutes sur l'eau du 14 juillet. Elles eurent lieu désormais sur le grand bassin de la piscine dont la superficie supportait aisément la navigation de deux barques. C'était en fait un retour aux sources, car de vieilles cartes postales (début du vingtième siècle) montrent qu'avant d'être organisées au port fluvial de Béthune, qui se trouvait alors à l'emplacement actuel de la place De Gaulle, elles avaient lieu à l'école de natation.
                En début de saison l'eau des bassins était claire, mais malgré l'appoint d'eau nouvelle quasi permanent, il se formait peu à peu sur les parois cimentées et non carrelées, de la mousse, l'eau devenait de plus en plus verte, le fond du petit bain devenait glissant, de la vase se déposait dans le fond du grand bassin trop profond et trop vaste pour être correctement nettoyé, si bien qu'en fin de saison il valait mieux ne pas se baigner avec un maillot de couleur claire. Il arrivait même qu'on y trouvât des têtards et des grenouilles venus là dont on se demande comment ils étaient arrivés là
membres de notre association se souvient aujourd’hui encore des cris d’horreur de sa correspondante anglaise à la vue de ces "baby frogs".
 Vue Aérienne de la piscine 
      Cette photo montre l’Ecole de Natation avant 1953,  car les Bains-douches n’y figurent pas encore. Ils furent construits à l’endroit où se trouvent les grands arbres à droite qui cachent d’ailleurs la maison-buvette du gérant et l’entrée. Les cabines, au premier plan, sont en cours de rénovation et  deux rangées sont déjà "en dur", les autres sont encore en bois. A droite en face du bassin apprentissage et water-polo on découvre les gradins-solarium.  Dans l’arrondi le plongeoir de 6 m. Chaque bassin avait encore son radeau, celui du petit bain fut supprimé peu après  
C'est  en 1953 que furent construits les ''Bains-douches Municipaux'', mitoyens de l' Ecole de Natation. 
La plupart des maisons de l'époque ne comportaient pas de salle de bains : dans ma cité des mines les maisons n'avaient même pas l'eau courante. C'était à moi (et non à mes sœurs bien sûr) qu'incombait donc, le jour de la lessive et le jour du bain hebdomadaires , d' aller chercher l'eau à la borne-fontaine (la ''pompe'') qui était commune à une douzaine de foyers de la rue. S'il est permis ici de faire une confidence, ce manque de confort n'avait pas que des inconvénients. Lors des vagues de froid hivernales, plus fréquentes alors que de nos jours, les garnements du quartier allaient le soir, en douce, obstruer la bouche d'égout au pied de la pompe (laquelle était protégée du gel par un habillage en paille tressée), puis ils tiraient de l'eau, qui ne pouvait donc plus s'écouler, jusqu'à obtenir une flaque de plusieurs mètres de long,  il suffisait ensuite d'attendre le lendemain matin pour pouvoir y faire de magnifiques glissades comme on n'en trouvait pas en ville. En 1952  toutes les maisons du 8/ter furent équipées d'un point d'eau et d'un évier dans la cuisine, la corvée d'eau  devint superflue, mais nous n’avions toujours pas de salle de bains et c'est à cette époque que comme de nombreux Béthunois j'ai commencé à avoir recours aux bains-douches, en l’occurrence ceux des cheminots,  plus proches de mon domicile.
            Durant les années soixante on construisit de nombreux logements neufs et équipés du confort moderne, par la suite les maisons des cités minières ont elles aussi été rénovées : les deux établissements de bains-douches étaient devenus inutiles et leur sort allait s'aligner sur celui des deux piscines voisines.
            Est-ce à cause des têtards évoqués plus haut que notre '' Ecole de Natation'' fut jugée impropre à l'utilisation ? Toujours est-il qu'elle servit pour la dernière fois durant l'été 1972, puis elle fut rasée. Sur son emplacement et celui des ''Bains-douches Municipaux'' on a construit la Résidence Louise Michel. Et une nouvelle piscine, couverte celle-là, fut construite le long de l'Avenue du Pont des Dames,  mais là ...c'est une autre histoire qui commence.


        Je tiens à remercier tous ceux qui m'ont aidé de diverse façon à donner de la matière à cet article : l'incontournable Bernard Caron (Médiathèque E. Wiesel) et sa  documentation, les maîtres-nageurs Serge Fueyo et Jacques Morel,  piliers  de l'Ecole de Natation, mesdames Andrée Louchart  et Anne Crépy qui furent respectivement enseignantes au collège G. Sand et au Collège St Vaast,  A.  Willay des Archives Municipales ainsi que Me André Delhaye, le Président de notre association.

*  Mes recherches sur la date et le lieu du décès de Joseph Hautecoeur n’ayant pas abouti, tout renseignement sur ce sujet sera le bienvenu.



Article paru dans le "Bulletin des Anciens et Anciennes Élèves et Fonctionnaires du Lycée Blaringhem" année 2013 ainsi que dans le bulletin 2012 des "Amis du Musée de Béthune et de l'Estracelle".